Avec 23% des voix, le SPD a obtenu en septembre 2009 le pire score de son histoire, suivant une décennie de défaites aux élections régionales et un recul de ses effectifs militants de 800 000 à moins de 500 000.
Depuis 2010, le SPD a pu consolider ou regagner des voix dans les scrutins régionaux, mettant fin à la majorité Conservateurs-libéraux à la deuxième chambre, le Bundesrat.
Le gain moyen de voix est cependant faible, certaines victoires sont dues à la force des partenaires Verts et la faiblesse des libéraux, sans arrêter l'érosion des voix en pourcentage et en chiffre absolu. Les sondages nationaux montrent certes une remontée, mais toujours en dessous des 30%, et moins que l'Union (conservateurs) évalués entre 32 et 34%.
Le congrès du SPD est un moment certes important du fonctionnement interne du parti et de sa définition programmatique, n'a cependant pas autant de conséquences qu'un congrès au PS.
Les fédérations régionales sont bien sûres, suivant les institutions fédérales allemandes, plus puissantes. Leurs congrès régionaux, qui ne suivant pas le rythme du congrès national et n'y sont pas subordonnées, déterminent les questions des alliances locales et des investitures – y compris pour les élections nationales.
Le congrès est très important surtout pour définir et faire connaître le programme et les priorités du SPD.
Ceci est d'autant plus nécessaire que ce congrès est le premier d'un parti installé dans l'opposition depuis 2009, qui commence à formuler son programme d'alternance, qui cependant organisera un congrès intermédiaire avant les élections générales de septembre 2013.
Ainsi, le cahier regroupant toutes les motions proposées au vote est épais de 770 pages, pour plus de 700 motions.
Si le SPD n'est pas organisé en courants de motion, et s'il n'y a pas de vote sur des textes d'orientations différents, le jeu des « ailes » programmatiques est bien sûr présent au congrès, par le jeu des motions thématiques.
Théoriquement, le rapport de force entre les différentes ailes et tous ceux non membres d'une aile peut être compté sur chacune des motions. Celui-ci peut aussi changer en fonction des thèmes, la majorité des délégués ne suivant pas une logique d'aile, de courant ou de motion.
N.B. : il est habituel que les débats du congrès des partis démocratiques allemands soient diffusés en direct par la chaine d'information gratuite Phoenix TV.
1. La tectonique des plaques – ou la crise de leadership du SPD
Le SPD aujourd'hui n'a pas de « candidat naturel » à la chancellerie C'est le principal obstacle – vu du SPD – à des élections anticipées. Ce congrès ne parlera d'ailleurs pas de leadership : la direction proposée au vote est à 95% la direction sortante, avec les équilibres d'influence définis fin 2009.
L'aile droite, ou Cercle de Seeheimer du nom d'un lieu de réunion, a dirigé le parti les 12 dernières années. Schroeder y a trouvé ses derniers soutiens lorsqu'il a imposé son programme « Agenda 2010 » après les élections de 2002. Peer Steinbrück, 65 ans, en est incontestablement le leader.
L'aile gauche, organisée autour de « Gauche Parlementaire » et de l'association « Gauche Démocratique 21 », est ouverte à des alliances à la gauche du SPD et conserve un lien avec le monde syndical. Elle a été profondément affaibli par l'agenda 2010, qui a vu un départ de nombreux de ses militants vers le parti « La Gauche » (die Linke), regroupant les anciens communistes de RDA, les syndicalistes opposés à Schroeder et les partisans d'Oskar Lafontaine. Certains reviennent actuellement au SPD par DL 21, qui sert aussi de tremplin à de nombreux anciens dirigeants des Jusos.
Andrea Nahles, 41 ans, la secrétaire générale du SPD, en est la principale dirigeante, mais cette aile est encore en mutation, et Andrea Nahles n'a jamais gouvernée, même dans un exécutif régional. Le SPD de Berlin y est de plus en plus fort, ce qui provoque une réaction de SPD plus à l'Ouest. Klaus Wowereit, 58 ans, le maire de Berlin peut compter sur le soutien d'une partie de l'aile gauche et éventuellement des pragmatiques en cas de pat entre Steinbrück et Steinmeier.
Il existe enfin une aile dite « pragmatique », dont le mode d'organisation est surtout basé sur des réseaux d'élus. Franz-Walter Steinmeier, 56 ans, est probablement leur candidat, même si, du fait qu'il a été la tête pensante de l'agenda 2010, il peut aussi compter sur l'aile droite.
Sigmar Gabriel, 52 ans, l'actuel président du SPD, est aussi un pragmatique, et l'auteur d'un accord de non-agression tant avec Steinmeier qu'avec Andrea Nahles pour reconstruire le SPD post-déroute électorale.
2. L'aile gauche du SPD à l'offensive ?
Suite aux élections de septembre de Berlin, le porte-parole de DL-21, Bjorn Boehning, 34 ans, a quitté ce poste pour devenir directeur de cabinet de Klaus Wowereit.
Le vote de succession dimanche dernier a vu la défaite inattendue de la candidate portée par Andrea Nahles et Bjorn Boehning, Angela Marquardt, 40 ans, ancienne militante communiste en RDA et députée du PDS, ralliée depuis 2005 au SPD Berlin, au profit de Hilde Mattheis, 57 ans, députée de Bade-Wuttenberg, et principale opposante interne à Nils Schmid, 38 ans, qui participe actuellement comme partenaire junior - pour la première fois dans l'histoire allemande - à un exécutif régional dominé par les Verts.
Cette évolution marque une radicalisation de DL-21.
De nombreuses motions ont été déposées par l'aile gauche afin d'infléchir la position du SPD sur les retraites (retour sur l'accord passé avec la CDU pendant la Grande Coalition) et la fiscalité (introduction d'un impôt sur la fortune et relèvement du seuil maximal d'imposition à 53%, renforcement de l'impôt sur les plus-values financières). Les observateurs s'attendent donc sur chacune de ces motions thématiques des « votes de combat » entre la ligne de la direction actuelle et les textes proposés.
3. Les anciennes nouvelles concurrences politiques et programmatiques, et les conséquences pour les alliances
Les Élections régionales et municipales de 2011 ont vu une progression du SPD, qui a retrouvé le chemin des exécutifs régionaux dans 5 régions sur 7 votantes.
Cependant, les élections de Berlin ont aussi marqué la confirmation d'un double phénomène :
A/ La lassitude des électeurs allemands pour les partis traditionnels, incluant les Verts, excluant les libéraux du FDP de tous les parlements
Les Verts sont pris dans une contradiction sociologique et idéologique entre l'électorat traditionnel Vert, écologiste en premier lieu, mais aussi issu des mouvements étudiants et de l'extrême-gauche des années 70-80, et un nouvel électorat bourgeois à haut niveau d'études et de revenu, « Bobo » dirait-on en France.
La contradiction s'est révélée à Berlin, ou malgré des sondages à 30% en Mars 2011, et une progression de 7% par rapport aux élections de 2006, le score de 17% a été vécu comme une défaite, et le groupe des élus s'est divisé en deux groupes irréconciliables.
Le FDP a réalisé en septembre 2009 le meilleur score de son histoire sur un malentendu. Alors que le FDP proposait un programme de réduction d'impôts, de nombreux électeurs issus du SPD et des Verts ont voté FDP au nom d'une compétence économique ressentie. Ce fut un échec total. Le FDP est actuellement dans les sondages à 3%, manquant les 5% nécessaires pour avoir des élus au parlement, a même réalisé un score inférieur à 2% aux élections de Berlin !
Le FDP est obligé de mener une guérilla au gouvernement pour imposer des réductions d'impôts afin de conserver son électorat de base, et ainsi espérer atteindre les 5%.
B/ La séduction opérée par des formes d'offre politique nouvelles bouleversant le paysage politique : les Pirates, mais aussi en embuscade les partis populistes nationalistes.
Les Pirates ont réalisés à Berlin une percée inattendue à 9%. Apparaissant du coup comme une alternative crédible, les Pirates sont LE parti profitant de la lassitude à l'égard des partis traditionnels, restant stable entre 8 et 9% dans tous les sondages Nationaux !
Par ailleurs, la scène des populistes nationalistes reste en Allemagne très divisée. C'est une chance, qui explique aussi leur absence de succés. Ils se sont cependant radicalisés avec les néonazis du NPD prenant un rôle de plus en plus fort et enracinés dans certains bastions. La découverte du groupe terroriste NSU – auteur de 10 meurtres, 14 braquages de banque et deux attentats à l'explosif en 10 ans sans revendication et donc sans jamais être soupçonné – choque l'Allemagne, qui découvre un ´réseau beaucoup plus profond que pensé. Ce coup d'éclairage peut aussi selon un paradoxe connu et vérifié en France ou au Pays-Bas favorisé justement les résultats électoraux de ces partis. Le sucés du livre de Thilo Sarrazin – ancien dirigeant du SPD par ailleurs – montre que la tentation des solutions simples est présente en Allemagne aussi, même si elle ne s'est pas encore traduite dans des résultats électoraux.
C'est dans ce contexte que le SPD réfléchit aussi à l'introduction de Primaires ouvertes et à une ouverture du Parti aux non-membres. C'est aussi l'un des sujets de ce congrès.
Conclusion et Prospective
Cela pose un gros problème au SPD : si les Pirates confirment ce score, le SPD ne peut pas atteindre la majorité absolue avec une coalition avec les Verts. Le SPD doit soit former une coalition à deux partenaires, l'alliance au Linke restant encore tabou au niveau national, les Pirates étant une grande inconnue, soit se tourner vers … l'Union d'Angela Merkel, pour une nouvelle Grande Coalition. L'Union continuant à être au dessus du SPD, celui-ci ne récupèrerait pas la chancellerie Une autre possibilité serait une alliance Union-Verts, et le maintien du SPD dans l'opposition.
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