Tuesday 15 September 2015

Peux t-on sauver L'union Européenne?

Le monde est violent. Les rapports sociaux aussi. L'inégalité atteint des sommets, toutes les institutions reconnaissent l'échec des théories du ruissellement. Ce ne sont pas les forces vives qui conduisent la communauté à la prospérité, ces forces vives sans encadrement adéquat sont des forces folles, prédatrices.
Ce n'est pas avec les théories de l'apaisement social-liberale, qui échouent à s'attaquer à la misère, qui échouent à stabiliser le monde et établir la paix, que l'on répondra aux défis majeurs d'aujourd'hui.

Absurdité aussi d'une construction européenne bancale, branlante.
Saint-Simon proposait il y a exactement 200 ans une constitution européenne. Elle était fondée non sur le mercantilisme, qui on le voit n'intègre pas les Nations, mais d'abord sur un parlement souverain - pour commencer le processus, celui, uni, des deux pays capables d'être les moteurs de l'Unite européenne, la France et... La Grande-Bretagne. Puis, la Société Européenne devait être régie par un gouvernement et deux chambres.
Pour Saint-Simon, s'il n'y a pas de "Nation Européenne", si donc cette construction ne vise pas à remplacer les Nations, c'est qu'il trouve dans deux autres principes les ciments de ce qu'il nomme "le peuple européen": le christianisme et les Lumiéres, et un symbole, un roi européen.
Un parlement souverain ne peut exister sans peuple lui-même soucieux de sa souveraineté, et aussi conscient d'appartenir à une communauté de destins, d'être peuple. Car, si la démocratie est le principe de la protection des droits de la minorité sous la conduite de la majorité, pour que la minorité ne fasse pas scission il faut bien qu'elle se reconnaisse d'abord comme membre de la communauté, les exemples en ex-Yougoslavie, en Ukraine, montrent ce que cela signifie, "faire scission".

La Paix, principe suffisant?
L'Europe créé au lendemain de la guerre était unie par son souvenir, par les deuils et les souffrances, par les ruines. Elle était certes divisée par deux principes extérieurs et antinomiques: le libéralisme mercantile d'un côté, l'hégémonie stalinienne de l'autre.
Il y eut donc deux intégrations: l'une volontaire et mercantile, ayant pour double objet de relancer production et consommation, et d'élargir ainsi le marché des biens et services, et l'autre imposée, ayant pour objet de rationaliser et spécialiser les productions nationales tout en garantissant des débouchés aux produits soviétiques.
La création de structures démocratiques fut lent. Une des deux intégrations échoua d'ailleurs tant économiquement que politiquement, et la deuxième, confondant capitalisme et démocratie, crut que l'extension créerait d'elle-même un sentiment commun.
En 2015, qui se souvient du traumatisme européen au sortir des guerres napoléoniennes? Le rêve de Saint-Simon nait au moment où les princes et rois cherchent à définir une alliance européenne garantissant le règlement pacifique des conflits entre eux, et de construire une Europe - chrétienne, monarchique, oligarchique - prospère et pacifiée.
En 2015, qui a encore le souvenir des peurs, des angoisses, de la faim des années de guerre? Les générations qui ont vécu la guerre nous quittent. La plupart des Européens ont une expérience abstraite de la guerre. Le terrorisme n'est pas grand chose en comparaison.
Quelle expérience commune, quelles valeurs et quels principes pour ce peuple européen post-guerre froide? Sur quels principes communs peuvent s'accorder les peuples et les nations pour qu'un parlement soit reconnu souverain?

Une intégration économique qui exacerbe les concurrences entre peuples, entre classes
Le mercantilisme a exacerbé les concurrences entre Nations européennes. La libéralisation a créé une accumulation de richesses auprès de quelques uns. Cette élite économique est bien sûr traversé de contradictions mais partage les mêmes valeurs, le même accès au voyage, aux ressources symboliques.
Cette elite-là croit incarner le peuple européen.
Cette exacerbation des richesses s'accompagne d'une paupérisation des 50% les moins riches. Terrible échec de toutes les gauches européennes! La pauvreté aujourd'hui est plus largement répartie, plus profonde dans ses structures, plus difficile à combattre qu'en 1990!
Comment s'étonner des lors que ce peuple là ne se reconnaisse pas dans un projet commun dont il est le grand perdant?
La compétition entre peuples s'accompagne aussi de la concurrence entre pauvres. C'est ainsi que la division des perdants de l'intégration européenne empêche la constitution d'un front progressif, social, et européen.
Pire, L'Europe devient symbole de l'oligarchie, de la bourgeoisie des 30% qui s'en tirent le mieux, d'une machine broyant les destins, expropriant les faibles ressources mises de côté, détruisant les protections collectives et les capitaux socialises (Retraite, Assurance Santé, Chômage).
Tant la droite que la gauche radicales voient dans les espaces nationaux les espaces où il est possible de diviser les élites européennes, de jouer sur leur contradiction, pour y construire des agendas alternatifs.
Il n'y aura pas de réorientation européenne - du moins pas avec la social-démocratie.

Mais l'espace des Nations nous ramène forcément à 1792, à 1939. Il n'a fallu que trois ans à la Yougoslavie pour passer d'un espace intégré à la guerre civile. L'Ukraine c'est L'Europe et c'est maintenant.
Il existe une alternative: L'Europe sociale. Elle pre-suppose la sortie des Traités existants et une refondation, sans doute seulement avec un coeur de pays progressistes, sur une base sociale et solidaire.
Mais face à la réalité objective et les enseignements réels des 9 premiers mois de 2015, une idée est morte: celle d'un mouvement initiée par la gauche europeaniste de l'intérieur.
Cette Union Européenne ne peut être réorienté de l'intérieur. Les élites social-démocrates qui vivent de cette chimère n'y ont d'ailleurs aucun intérêt, et c'est bien l'échec du PSE que de n'avoir jamais formulé théoriquement et politiquement le cadre nécessaire à une réorientation.

Construisons avec les forces qui le souhaitent les conditions d'un dépassement de L'Union Européenne.

Mathieu Pouydesseau
Membre du Conseil National (s) du Parti Socialiste
Section des Isolés

Tuesday 8 September 2015

Politique, Responsabilité, Incohérences et Espoir

Hier, donc, deux dirigeants socio-democrates européens se sont exprimés sur la crise des réfugiés et sur ce que cela signifiait pour L'Europe. François Hollande a annoncé un accueil exceptionnel de la France de... 24000 demandeurs d'asile sur deux ans. Sigmar Gabriel, vice chancelier allemand et ministre de l'économie, a déclaré que L'Allemagne pouvait, sans besoin de nouveaux financement ou de hausses d'impôt, accueillir 20 fois plus de réfugiés (500000) et ce, par an.
Responsabilité: L'Allemagne découvre, où plutôt re-découvre, avoir et une capacité de mobilisation civile forte, et un coeur. Elle mobilise des moyens exceptionnels - 6 Milliards D'euros - et ne comprends pas pourquoi L'Europe traîne les pieds pour créer un fonds solidaire à hauteur de 1 Milliard.
Mais c'est bien là le résultat de la vision allemande de L'Europe! Pourquoi L'Europe, aveugle au niveau politique sur la crise humanitaire en Grèce, et dans la bataille des images, pour l'opinion, les solidaires ont perdu, serait plus ouverte aux réfugiés?
La remarque cynique de Orban, déclarant que les réfugiés sont un problème allemand, reflète les remarques de Schäuble, estimant que la Grèce doit résoudre son problème tout seul.
Et c'est là où on arrive aux incohérences.
Il est impossible de demander aujourd'hui, comme le fait l'allié bavarois de Merkel, à L'Europe de régler solidairement ce problème, lorsque les droites européennes, à l'unisson, et avec la complicité de certains socio-democrates - je pense aux hollandais, aux slovaques, aux roumains - detricotent tous les instruments de solidarité européenne.
C'est Merkel, Cameron, Orban qui ont pesé pour qu'en 2013 le budget - planifié pour 7 ans en plus, hors de tout contrôle parlementaire ou de tout rythme électoral - de L'Union Européenne soit diminué, avec le seul grand programme social, le plan d'aide alimentaire aux démunis, réduit de moitié.
Au même moment on assiste à une explosion en Grande Bretagne des soupes populaires, partout en Europe les banques alimentaires peinent à couvrir les besoins D'européens qui connaissent, dans nos sociétés riches et abondantes, la faim.
Hollande, comme Renzi, ont essayé des aménagements aux marges, sans cependant engager les rapports de force politique au fond. Le seul qui a posé le problème politique fut Tsipras, mais sans allié, il s'est fait crucifié, traumatisé, il est comme ce personnage de Games of Thrones, qui se fait appeler Rick et sert son bourreau.
Comment demander une Europe solidaire et partageant l'accueil des réfugiés lorsque L'Europe refuse par dessein cette solidarité dans toutes les autres affaires la concernant?
Et c'est là où je vois un espoir: les opinions publiques bougent. Les images touchent, l'émotion change de nature. De la peur, de l'égoïsme, on passe à la compassion, à la charité pure.
Ce n'est pas encore un retournement conscient, politique.
Il y a pourtant des signes: 1,6 millions d'allemands ont signé la pétition et s'engagent massivement dans les actions contre le Traité de libre échange transatlantique.
300000 britanniques rejoignent le Labour parce qu'enfin ł'aile gauche se voit accorder une tribune.
Il y a l'émotion des Européens et dans beaucoup de pays leurs belles actions.
Il y a aussi des prises de conscience politique.